ORNEMENTS LITURGIQUES XVIII SIECLE CULTE CATHOLIQUE CHASUBLE CHAPES BRODERIES OR SOIE

« HABILLER LE CULTE »

Jusqu’au 20 novembre 2021 se tient au TAMAT à Tournai une magnifique exposition d’ornements liturgiques destinés, comme le titre l’indique, à « habiller le culte ». Il s’agit, en particulier, de présenter au public celui dit « Cotrel » (1730-1734) et celui dit « Grand Rouge de Saint-Martin » (1730 et 1740), qui sont particulièrement remarquables et que j’ai eu l’immense plaisir de voir en mai 2019 au cours d’une visite à la sacristie de la cathédrale en compagnie de Michel-Amand Jacques.

Pour ceux qui veulent faire vite et s’informer au sujet de cet évènement remarquable je leur suggère de consulter le dossier de presse à l’adresse https://tamat.be/wp-content/uploads/2021/09/Dossier-de-presse-hlc.pdf .

Pour ceux qui veulent prendre un peu plus de temps je me propose de leur faire faire une visite « guidée » suivant un parcours personnel  qui va des quelques pièces les plus anciennes exposées à celles des deux ensembles mentionnés dans le premier paragraphe.

En arrivant au TAMAT ne vous attardez pas au rez-de-chaussée et rendez vous directement au deuxième étage. Là vous  trouverez une plateforme sur laquelle sont exposées des chasubles qui vous permettent de suivre l’évolution du décor depuis le XVe à la fin du XIX-début du XXe siècle.

Vous pourrez admirer une chasuble, fin du XVe, adornée d’une remarquable bande et croix d’orfroi avec des scènes historiées – en particulier les Rois Mages au dos, Figure 1, et la Crèche sur le devant, Figure 2, – ainsi que la Visitation, l’Annonciation,  la Présentation de l’Enfant au Temple et la Sainte Parenté de Jésus ( ?);

Figure 150Figure 65


                                                                                                                                                                                             

                                                 

 

 

 

 

 

                                                 Figure 1                                                                            Figure 2                             Un détail de la scène des Rois Mages, Figure 3, permet de se rendre compte de la richesse de l’iconographie d’une part et de l’exécution d’autre part.   

Figure 106

                                                                               Figure 3

Dans son voisinage, une autre superbe chasuble, qui pourrait être d’origine française à cause de sa croix redentée, illustrée d’un cartouche enserrant un couronnement de la Vierge flanqué de deux anges orants, Figure 4. L’orfroi de devant contient trois cartouches avec, du bas vers le haut, la Visitation, l’Annonciation et le Mariage de la Vierge, Figure 5, tandis que celui de l’arrière poursuit l’histoire avec l’Adoration des Rois Mages et la Fuite en Égypte. Vous remarquerez aussi la richesse inouïe du velours du fond brodé  magnifiquement. Les orfrois sont très probablement fin XVIe-début XVIIe siècle, et de très belle facture.

Figure 107                Figure 108   

                                             Figure 4                                                      Figure 5

J’ai découvert avec plaisir une chasuble italienne du XVIIe dans un très bel état de conservation et offrant un très bel exemple de la broderie de soies en plein avec un riche décor de fleurs, rinceaux et ramages, Figure 6.  

Figure 137Figure 6
 

Ces trois chasubles sont accompagnées, en faisant un grand saut dans le temps, par un exemplaire de la chasuble angélique de la Maison Henry de la fin du XIXe siècle, celle-ci est dans un rare lampas de soie, filé et lame d’or et d’argent. La scène représentée est la glorification de la sainte Trinité et de la Vierge Marie au milieu d’un chœur d’anges musiciens.

Figure 149Figure 7

Après cet « hors d’œuvre » on peut passer à des choses tout aussi sérieuses sans changer d’étage, avec une éblouissante chape de l’atelier Dormal-Ponce qui offre la vue d’un chaperon, Figure 8, où la décoration baroque, tout à fait XVIIIe, d’or et d’argent avec profusion de guipure et fils métal de différents types, enserre un cartouche qui contient un ouvrage en or nué représentant la Vierge assise dans un banc avec l’Enfant, qui semble se jeter dans les bras de sa Mère de manière peu courante.

Figure 139

Figure 8

Or cette broderie est certainement plus ancienne, du XVIe siècle comme le montre, Figure 9; la finesse du travail de couchure nuée de soie des vêtements de la Vierge, du sol en carreaux et du banc. Cette figure d’application a ensuite été incorporée sur un fond qui répond aux canons de l’or nué bâtard.

Figure 140Figure 9

Cette disgression sur l’intégration d’éléments plus anciens dans une broderie ne doit pas nous faire oublier les prouesses de l’atelier Dormal-Ponce. En vous promenant dans l’étage, en prenant votre temps et en utilisant les possibilités de votre téléphone, pour prendre des photos de détails, vous découvrirez des choses époustouflantes. C’est le cas  pour l’une des nombreuses chapes de cet atelier, Figure 10, où  l’on peut admirer cette rosette sur un lit d’or couché, Figure 11, avec des pétales en argent, rehaussées de soie rouge et liserées de cordonnet or. Et que dire de ces volutes en guipure d’or, bordées de cordonnet or souligné de soie verte sur un fond d’argent frisé, croisé d’or filé et de canetille (frisure), Figure 12.

Figure 141Figure 10

Figure 143

Figure 142

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

                                      Figure 11                                                                                                     Figure 12

Mais bientôt il sera temps de descendre d’un étage et aller directement voir, dans un espace qui lui est réservé, « Le Grand Rouge de Saint Martin », Figure 13. Présidé par une chasuble portant au dos une croix redentée, frappée de la colombe du Saint Esprit, une dalmatique et trois chapes se rangent de chaque côté. Encore une fois, la grandeur de cet ensemble, son état de conservation, la qualité de la broderie - soit sur un éclatant damas carmin pour les chapes, voile de calice et manipules, soit sur un velours rouge pour les dalmatiques et les chasubles – le place parmi les œuvres insignes que l’on a le privilège de voir en visitant cette exposition. D’ailleurs, je n’ai pas eu l’occasion de consulter le superbe et érudit ouvrage publié à cette occasion[1], mais je le ferai sans doute pour savoir pourquoi on a choisi deux étoffes et deux couleurs pour un même ensemble. 

Figure 144

 Figure 13

Attardons nous à la vue des chapes, Figure 14, et détaillons les tiges et branches dans un  magnifique travail d’or couché qui scintille, exalté par l’alternance de la brillance et de l’opacité du damas.
Figure 145

Figure 14

La couleur est introduite subtilement dans la broderie des fleurs d’imagination, comme celle de la Figure 15,  ou l’on remarque le cœur d’argent, rempli d’une alternance de filé or dont les croisements sont pointés par des boucles de frisure, entouré de cinq pétales en or couché, satiné de soies lancées vieux rose, et, finalement, neuf pétales en couchure d’argent satiné de bleu.
Figure 146

                                                                                     Figure 15

Et je ne peux pas m’empêcher d’ajouter un détail de l’orfroi, Figure 16, sans l’accompagner de commentaires puisque la photo suffit à mettre en évidence la maitrise des artisans et leur savoir-faire.

Figure 147Figure 16

Je ne suis pas arrivé à la fin de mon recit, mais je pense que j’ai dit assez pour que vous ressentiez l’envie de courir visiter cette exposition. En tout cas je suis prêt à y retourner !      

Daniel H. Fruman

[1] « Habiller le culte. Les fastes brodés de l'atelier Dormal-Ponce à Ath au 18ème siècle », 49 €.

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Date de dernière mise à jour : 26/11/2021