RETOUR AU PUY-EN-VELAY

Plus de trois ans après nos démêlés avec  le Ministère de la Culture et de la Communication Josiane et moi nous sommes rendus au Puy-en-Velay pour découvrir la nouvelle présentation d’une partie de notre collection exposée dans la Salle des États au cloître de la Cathédrale. Nous vous proposons de nous suivre dans une déambulation au cours de laquelle nous vous détaillerons quelques-unes des œuvres qui nous semblent les plus emblématiques de cet ensemble.
Figure 1, Vue de la Salle des Etatsdepuis l'entrée.

Figure 1 : Vue de la salle des États du Velay et du Trésor d’art religieux

Après avoir traversé le cloître et monté l’escalier des années 1950 - au garde-corps dû au maître ferronnier Raymond Subes - on accède au Trésor d’art religieux exposé dans la « salle des États du Velay ».  On pénètre dans un espace du XIIe siècle voûté en berceau et fermé à son extrémité par un mur percé d’une fenêtré romane en plein cintre ouverte sur la nef de la cathédrale. On est impressionné par l’ampleur du lieu et par l’harmonie que dégagent les vitrines plates qui courent le long du mur gauche et l’alternance de vitrines hautes du côté opposé, Figure 1.

Il n’est pas dans nos intentions de vous décrire toutes les œuvres textiles exposées mais de sélectionner quelques-unes qui nous paraissent capables de capter l’attention du visiteur. Ainsi des trois œuvres de la première vitrine plate, Figure 2, ou l’on trouve de l’or, de l’argent et de la soie en profusion.
Figure 2 : Les vitrines plates avec les trois premières œuvres commentées.

Figure 2
Le chaperon au vase de pivoines, Figure 3 (35)[i], au premier plan est remarquable par la qualité des matériaux employés d’une part et son état de conservation d’autre part. Dans le détail de la Figure 4 on peut apprécier le fond brodé en plein de motifs spiralés en filés argent couchés tandis que les entrelacs sont en filés et frisés or couchés partiellement en ronde-bosse avec motifs unis et gaufrés, liserés de cordonnet de soie bleu ciel et corail. Les fleurs, les feuillages et l’imitation des pierres précieuses sont brodés au point passé, en soies polychromes satinées d’argent. 

Figure 3 : chaperon au vase de pivoines
   
Figure 118

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                Figure 3 : chaperon au vase de pivoines                                                  Figure 4 : détail du numéro 3

À côté du chaperon est la bannière du saint sacrement ou des expositions représentant dans un cartouche la scène de la résurrection, Figure 5 (34), et provenant du premier couvent de la Visitation de Moulins. Elle a aussi le fond brodé de filés argent couchés, avec de complexes effets de gaufrure, et le cartouche et les écoinçons sont en filés or en relief sur corde rehaussés de soie corail et soulignés de cordonnet doré. La scène de la Résurrection, très naïve, et les tiges fleuries sont brodées au petit point en soies polychromes, Figure 6.
Figure 6 : détail du numéro 5Figure 5 : bannière du saint sacrement ou des expositions avec la scène de la résurrection.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Figure 5 :  bannière du saint sacrement, la résurrection.                                       Figure 6 : détail du numéro 5

À l’extrémité de la même vitrine est un précieux pavillon de ciboire - Figure 7 (48), italien, et très probablement sicilien, de la fin du XVIIe ou début du XVIIIe siècle tout en travail de couchure sur satin ivoire de fils d'or filé, frisé et canetille, filé argent, rehaussé de paillettes et une unique touche de soie rouge pour le sang que le pélican offre à ses petits, Figure 8.  

Figure 7 : pavillon de ciboire avec le pélican et ses petitsFigure 8 : détail du numéro 7

 

 

 

 

 

Figure 7 :  pavillon de ciboire italien.                                                                                                                                                                         Figure 8 : détail du numéro 7 

A ce stade de la visite on peut laisser porter son regard au fond de la salle et le diriger vers la vitrine verticale renfermant la splendide chape cramoisi française, produite à Lyon vers 1805 pour être plus précis, et seule œuvre non brodée de notre collection, Figure 9 (75).
Figure 9 : vue de la chape cramoisi

Figure 9 : Chape cramoisi, France (Lyon), 1805.


Figure 123Elle est tout à fait exceptionnelle par le fait qu’elle a été tissée à disposition pour assurer l’inscription du décor - rayons, palmettes, épis de blé, quadrifoils, fleurons, etc. -  dans l’espace semi-circulaire de la chape d’une part, et qu’elle combine un fond damas dans lequel s’inscrit un broché or à plat et en relief d’autre part, Figure 10. Plus intéressant encore, cette chape a été tissée d’après un dessin bicolore qui se trouve au Musée de Fourvière à Lyon (fonds Tassinari, N° inv. T.23).

 

Figure 10 : détail du numéro 9 
 

Comme le montre la Figure 11 les seules différences entre le dessin et la chape sont que le chaperon de cette dernière est monté au niveau de la bordure supérieure des parements pour respecter la coutume française, que le bord a été légèrement incliné de chaque côté et que le galon avec une grecque qui souligne les orfrois et borde la chape a été remplacé par un autre à motifs de feuilles de chêne dans le goût du tout début du XIXe siècle.

Figure 11 : comparaison chape tissée et son dessin

Figure11 : Comparaison de la chape cramoisi avec son dessin  

Figure 12 : Détail du rapport de l'antependium pourpreSous le vitrail du fond et faisant face à la chape on peut admirer un antependium pourpre du début du XVIIe siècle (95)tout semé de motifs floraux dans des carrés non délimités se répétant pour couvrir la totalité de la surface. Les sommets de chaque carreau sont occupés par un motif floral ; deux dorés et deux argentés opposés diagonalement, Figure 12.


Figure 12 :  rapport de la broderie de l'antependium pourpre.
 

 

 


Les motifs dorés représentent deux grosses fleurs stylisées : l’une de cinq pétales avec une efflorescence de pistils portée par une branche sinueuse entrelacée d’un feuillage et de deux fleurs en bouton, Figure 13 ; l’autre de neuf pétales extérieurs plus petits enserrant un cœur de cinq pétales et des pistils (Figure 14). Les motifs argentés formant bouquets : l’un avec des clochettes et l’autre avec des œillets de face sur des tiges feuillues.

La broderie est faite essentiellement en guipure de frisure et de bouillon or et argent sur corde, lisérée de cordonnet or et argent et agrémentée de paillettes. Quelques rehauts en soie lie de vin et vert pour les fleurs dorées. Certains remplissages sont obtenus avec une frisure faite en enroulant un fil d’or ou d’argent trait autour d’une tige de section rectangulaire et en le tournant ensuite pour former une hélice.
Figure 13 : détail du numéro 12Figure 127

 

 

 

 

 


             Figure 13 :  détail du numéro 12                                                           Figure 14 : détail du numéro 12

Quittons maintenant les travaux d’or et d’argent pour nous plonger dans les matériaux de substitution qui furent employés à l’époque où les lois somptuaires de Louis XIV interdisaient l’usage des premiers. Il s’agit de perles et tubes de verre de couleur doré ou blanc en remplacement des fils d’or et d’argent respectivement, ainsi que dans une variété d’autres nuances, pour agrémenter des ouvrages qui hors ces matériaux faisaient usage de la laine en particulier et de la soie occasionnellement pour ajouter de la brillance.

C’est le cas pour deux antependia mettant en exergue le pélican et ses oisillons. L’un provenant d’un carmel breton et de la deuxième moitié du XVIIe siàcle, Figure 15 (33), se distingue par son extrême richesse destinée à mettre en valeur un petit cartouche octogonal festonné enserrant le pélican et ses petits, au milieu d'une croix de Malte. De part et d'autre, des rinceaux acanthés forment un cœur enserrant un petit vase fleuri d’un bouquet, alors que d’autres partent symétriquement de la pointe des cœurs et s’enroulent vers le centre et le haut pour définir des compartiments aux formes chantournées. Des tiges feuillues portent, semées dans les compartiments d’ornements, de magnifiques fleurs, roses, tulipes, œillets, iris, lys et ancolies, traitées au naturel et facilement identifiables, Figure 16.
Figure 15 : antependium d'un carmel breton

Figure 15 : antependium d'un carmel breton, France, deuxième moitié du XVIIe siàcle, 

La broderie a été exécutée sur toile de lin écru avec de perles tubulaires : blanches de différentes longueurs (certaines d’une longueur inhabituelle) posées horizontalement à plat pour le fond, jaunes d'or en ronde-bosse sur corde avec lame dorée intercalée pour les branchages, et vert et grenat imitant des cabochons en pierres précieuses.

Figure 16Les motifs lisérés et soulignés de cordes de plusieurs diamètres, en soie de couleur jaune et corail, entourées d’une lame dorée riant. Les feuillages et fleurs sont en laines polychromes au passé empiétant, point de tige et de nœud. Le pélican et les deux pélicaneaux en soies et filé d’argent sur fond de fuseaux blancs, jaunes et verts. Le cartouche central avec entourage  de perles blanches.                                                                                                                          
Figure 16 : détail du numéro 15


L’autre, Figure 17 (120), met aussi en scène un cartouche circulaire festonné enserrant un pélican qui donne son sang à ses petits, Figure 18. Il est entouré d’une croix grecque formée de volutes dessinant un cœur d’où partent des rinceaux fleuris. La croix est cantonnée de rayons lancéolés et flammés. Dans les angles, de riches cornes d'abondance entourées de feuillages « acanthés » déploient des tiges fleuries (tulipes, œillets, roses, etc.) où sont posés des oiseaux et des papillons.
Fogure 17

Figure 17 : antependium au pélican, France, deuxième moitié du XVIIe siàcle, 

Figure 133Le fond en toile de lin est brodé en plein de perles tubulaires blanches de différentes longueurs. Le motif central et les feuillages sont de perles tubulaires dorées en relief sur corde liseré de cordonnet tandis que les cornes d’abondance sont dessinées avec des perles blanches et bleues. Les branchages, les oiseaux et les fleurs sont brodés en laines polychromes au passé et point de nœuds, Figure 19.

Figure 18 : détail du numéro 17.

 

Nous pourrions parler encore de bien d’autres œuvres exposées - chasubles, dalmatique, pavillon de ciboire, etc. – mais il faut qu’on vous les laisse découvrir par vous-mêmes  grâce aux cartels et aux explications des conférenciers qui vous accompagneront avec beaucoup de gentillesse et d’intelligence au cours de votre visite. Ils se sont formés à la connaissance des techniques de broderie et au contenu culturel, historique et cultuel des pièces exposées et sauront les partager avec vous. Nous avons été globalement satisfaits de la présentation des œuvres avec cependant quelques réserves au sujet des chasubles et, en particulier, la chasuble numéro 64 qui présente sur le devant de méchants plis qui, à terme (si ce n’est pas déjà le cas), pourraient affecter l’intégrité du tissu de fond. Cette situation pourrait être évitée en prolongeant et relevant les épaules des mannequins, et nous espérons qu’une telle intervention, somme toute facile, aura lieu très rapidement.

Nous vous souhaitons une très agréable et intéressante visite et restons dans l’attente de vos commentaires.

Josiane & Daniel H. Fruman

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 [i] Les numéros entre parenthèses réfèrent à ceux du catalogue de la collection : Cougard-Fruman (Josiane) & Fruman (Daniel H.),  Le trésor brodé de la cathédrale du Puy en Velay : Chefs-d'œuvre de la collection Cougard-Fruman, Albin Michel, Paris, 2010.

 

Date de dernière mise à jour : 30/01/2020

Commentaires

  • Solange Coustaux
    • 1. Solange Coustaux Le 14/01/2019
    Chers amis,
    Tant de merveilles et toujours autant de passion de votre part.
    Merci de nous en faire profiter.
    Mille voeux d'ors, de soie et d'argent pour 2019, avec notre fidèle amitié.
    Solange et Dominique